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GODEHEU ET DE LEYRIT

lable attachement qui a fait jusqu’ici mon bonheur et ma gloire et qui la fera toujours. J’attends les réponses de M. Godeheu pour me déterminer, quoique je sois persuadé, comme vous, qu’il est à propos que j’attende dans l’Inde les réponses de M. de Conflans. Si cependant je n’ai pas, dans le poste que j’occupe, la liberté d’agir, et qu’on veuille me gouverner par les idées de gens ignorants et sans expérience, mon propre ouvrage dépérira entre mes mains, et l’on en conclura, ou que je l’ai détruit moi-même par pique, ou qu’il n’était ni si beau ni si bien établi que vous et moi l’avions fait entendre. D’un autre côté, si la confiance dont vous m’avez honorée est la même dans M. Godeheu, j’avoue que je ne puis me dispenser de me prêter encore aux besoins de la Nation et de la Compagnie ; ce n’est pas que je m’attende que mes services seront récompensés, ni même avoués ; mais j’aurai comme vous l’avantage d’avoir servi la Patrie, sans autres émoluments que la gloire de lui avoir été utile et la consolation de n’attribuer ses mépris et son ingratitude qu’à la faction des envieux, trop dépourvus eux-mêmes de mérite pour ne pas chercher à obscurcir celui des autres… Faites-moi part, s’il vous plaît, de ce que vous aurez découvert de ses vues et dispositions par rapport aux affaires du Décan. Je roule toujours le projet de tout abandonner et de passer en France, J’attends vos réponses et vos avis. Je suis si accablé que je ne puis vaquer aux affaires. L’armée crie la faim, personne ne paye, et l’on ne veut point que j’agisse. »

Voilà quel était l’état des affaires dans le Décan. Devant Trichinopoly, c’était bien pire. Nous avons laissé l’armée française sous Mainville, occupant les Cinq-Rochers et fermant toutes communications à la ville ; Lawrence était à Tanjore, dont le roi entretint jusqu’au bout de secrètes négociations avec Dupleix. Peu après l’arrivée de Godeheu, les troupes parties de France avec lui arrivèrent à Pondichéry. Elles auraient dû être envoyées, ainsi que Dupleix l’avait si bien recommandé, pour renforcer Mainville, qui alors était certain de prendre la ville pour laquelle les Français avaient tant combattu. Mais loin d’agir ainsi, Godeheu n’envoya que des renforts insignifiants ; il supprima à l’armée les envois d’argent