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GODEHEU ET DE LEYRIT

que exagérée que de dire : qu’au point de vue français, un semblable traité était honteux au dernier degré. Il était honteux pour la France, honteux pour celui qui le faisait. Godeheu sacrifia, avec connaissance de cause, les fondements d’un empire indofrançais à son craintif désir de la paix, excité par le misérable et indigne besoin de défaire tout ce qu’avait fait son prédécesseur.

Car, en vérité, quelle que fût la grandeur des avantages matériels abandonnés, ils étaient encore moins importants que la perte de l’influence morale et du prestige de supériorité qu’entraînait leur renonciation. Le traité annonçait aux princes indigènes de l’Inde méridionale que dorénavant la France n’était pas assez forte pour résister à l’Angleterre sur le sol de l’Indoustan, qu’elle se retirait de la lutte, et qu’elle abandonnait ses alliés à eux-mêmes. Nous avons déjà mentionné l’impression fâcheuse produite sur les banquiers de Mazulipatam par l’arrivée de Godeheu. La confirmation donnée à ces bruits, que Moracin et autres avaient démentis comme fort exagérés, fut cent fois pire. Nous verrons, à mesure que nous avancerons, quels funestes effets eut sur les princes indiens cette politique d’abnégation.

En regard de la conduite du Gouverneur français, il faut observer celle du gouverneur anglais Saunders ; si l’empire de l’Indoustan est un apanage dont les Anglais ont raison d’être fiers ; si la possession de l’Inde a apporté avec elle de solides avantages pour la Grande-Bretagne, les compatriotes de Saunders doivent reconnaître qu’ils sont encore redevables envers sa mémoire de la dette qui n’a pas été acquittée de son vivant. Ce fut sa constance, sa résolution et sa persévérance à supporter Mahomed, pour s’en faire un prétexte d’entraver les projets de Dupleix, quand même la fortune des Anglais était au plus bas ; ce fut cela, plus que toute autre circonstance, qui changea la face des événements, qui tendit, d’une manière lente mais certaine, à abaisser l’orgueil de la France, à exalter la fortune de l’Angleterre. Jamais il ne désespéra, jamais il ne chancela dans sa détermination de s’opposer à ces prétentions qui, si on les admettait, devaient causer la ruine de l’établissement anglais. Il est vrai qu’il fut favorisé ; il eut le rare