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TRAHISON DE TERRANEAU

leurs derrières. Les vaisseaux anglais approchaient toujours ; le 20, ils atteignirent le lieu où des vaisseaux avaient été coulés, mais leur passage ne fut pas entravé ; l’artilleur Terraneau, que nous avons déjà nommé comme ayant participé à l’opération, avait, à la suite, d’une querelle avec Renault, passé aux Anglais, et leur avait vendu le secret que le chenal n’étant pas complètement obstrué, il y avait un passage libre sur l’un des bords[1]. L’exactitude de son assertion fut vérifiée ; la tâche était désormais facile. Le 24, le Tiger, que montait l’amiral Pocock, navigua jusqu’en face du ravelin et en força l’évacuation ; puis il s’avança plus loin, et jeta Tancre en face du bastion Nord-Est. Le vaisseau de l’amiral Watson, le Kent, ne fut pas aussi heureux : au moment où il allait s’avancer en face du ravelin, il fut assailli par un feu terrible du bastion Sud-Est, eut son capitaine tué, et fut si maltraité qu’il ne put aller plus loin, ce qui intercepta le passage du Salisbury, qui ne put être que de peu de secours dans l’attaque.

Les Français avaient dû abandonner leurs batteries extérieures et se renfermer dans le fort sous les ordres de Vigne. Mais, quels que fussent son courage et son énergie, il n’avait qu’une garnison fort restreinte et composée, pour la majeure partie, de civils, qui voyaient le feu pour la première fois, et, de plus, il avait à défendre le côté de terre contre Clive, tout en répondant au feu des vaisseaux du côté de la rivière. Il devint bientôt évident que la résistance était désormais sans espoir. Après s’être encore vaillamment défendu[2] pendant trois heures et avoir perdu cent dix hommes tués ou blessés, Renault se résigna à capituler. Il hissa le drapeau blanc : le feu cessa aussitôt, et à trois heures du matin les termes de la capitulation étaient signés.

  1. Terraneau envoya une partie du prix de sa trahison en France, à son père vieux et pauvre ; mais lorsque celui-ci connut la source d’où provenait cet argent il refusa d’y toucher, et écrivit à son fils en des termes tels, qu’à la réception de cette lettre, celui-ci se pendit à sa propre porte.
  2. Le docteur Édouard Ives, chirurgien à bord du vaisseau de l’amiral Watson, et qui était présent à l’attaque, s’exprime ainsi sur le compte des Français dans son Journal : « Il faut reconnaître que les Français se défendirent vaillamment, car ils restèrent à leurs pièces tant qu’ils en eurent à servir. Nous ne pûmes jamais savoir combien ils avaient perdu de monde, quoiqu’ils avouassent avoir emporté quarante morts du bastion Sud-Est. Les défenseurs du bastion Nord-Ouest furent anéantis à deux reprises. »