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DERNIÈRE LUTTE

de faire à tout prix les arrangements nécessaires. À Pondichéry, hélas ! il ne trouva qu’apathie et indifférence. « C’est impossible » était la seule réponse qu’on fît à toutes ses demandes. Quoiqu’il eût envoyé cent mille francs, il ne trouva pas pour cent sous de ressources[1]. Doit-on s’étonner que Lally attribuât une pareille conduite à quelque chose de plus que de l’apathie et de l’indolence ? Il dit lui-même, dans ses Mémoires, qu’il vit très-clairement qu’il y avait au fond de tout cela un insigne mauvais vouloir. Il n’est pas étonnant que, ne connaissant pas l’Inde et ignorant complètement la distinction des castes, abandonné à lui-même par celui dont il devait attendre des secours de toute nature et qui aurait dû tout faire pour prévenir une pareille nécessité, Lally, plutôt que d’abandonner son entreprise, ait exigé une réquisition en masse des habitants indigènes pour faire les transports nécessaires à son armée. Il est vrai qu’une pareille mesure était une faute aussi bien qu’un crime ; il est vrai qu’il aurait été plus prudent d’abandonner ses projets, de se rembarquer même pour l’Europe, que de recourir à un procédé aussi opposé aux idées et aux sentiments de la classe sans la coopération volontaire de laquelle rien d’important et de durable ne pouvait être accompli ; tout en le blâmant à ce sujet, nous ne devons pas oublier les circonstances atténuantes qui militent en sa faveur, et les motifs sur lesquels il se fondait pour ne pas ajouter foi aux assertions des Franco-Indiens.

Après avoir créé une sorte de service par ces moyens peu sages, et par d’autres plus légitimes auxquels il contraignit Leyrit et ses collègues d’avoir recours, Lally retourna à Cuddalore et, le 16 mai, ouvrit le feu contre le fort Saint-David. Ce fort est situé à l’angle d’une île longue d’environ trois milles, et d’une largeur moitié moindre. Deux côtés de cet angle étaient protégés par la mer et une rivière nommée Tripopalore ; le troisième côté était défendu par quatre forts en maçonnerie, éloignés d’un quart de

  1. On peut juger de ce que Lally devait éprouver par la lettre suivante qu’il adressa à Leyrit le 15 mai : « Le Ministre (à Paris) aura bien de la peine à croire que vous ayez attendu l’arrivée du premier bâtiment de notre escadre avant d’avoir employé l’argent à votre disposition pour les préparatifs d’une expédition qui vous était annoncée depuis huit mois. Je vous ai envoyé cent mille francs de mon argent pour faire face aux dépenses nécessaires, et en arrivant je ne trouve pas cent sous dans votre caisse ni celle du Conseil. »