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BUSSY MANQUE UNE OCCASION

tandis que Bussy allait de toute la vitesse de sa monture reprendre son poste sur la gauche. Lally arriva au moment où Guillermin et Secati venaient de rallier leurs hommes et où les Anglais commençaient à leur tour de battre en retraite.

Il commanda aussitôt un mouvement par suite duquel quatrevingts de ces derniers furent enveloppés et faits prisonniers ; puis il ordonna une vigoureuse poursuite du reste de la troupe. De l’autre côté, le chevalier de Grillon, à la tête de la brigade Lally, voyait les Anglais, poursuivis par la brigade de Lorraine et celle de l’Inde, se retirer en désordre vers le pont. La pensée lui vint aussitôt qu’en occupant le pont vers lequel le détachement se dirigeait, il le détruirait jusqu’au dernier homme. Comme il ne commandait pas en chef, puisque Bussy était présent, il dut aller demander à cet officier l’autorisation d’opérer ce mouvement. À son grand désappointement, Bussy refusa. Ce fut en vain que les autres officiers se réunirent autour de lui pour tenter de vaincre son obstination[1]. Crillon sentait si bien l’importance de ce mouvement qu’il s’élança néanmoins, suivi de cinquante hommes, et atteignit le pont ; mais cette force n’était pas assez considérable pour arrêter compléte-

  1. La conduite de Bussy en cette occasion a été l’objet de vives contestations. Les points suivants, cependant, semblent évidents : 1o Si le pont avait été occupé par le régiment de Lally la retraite des Anglais était impossible ; 2o le régiment de Lally pouvait facilement occuper le pont ; 3o Bussy était alors avec le régiment ou dans le voisinage. Nous avons adopté dans ce récit le rapport de Lally. De son vivant, Bussy éluda de répondre, se bornant à affirmer : 1o que comme simple volontaire il n’avait aucun commandement ; 2o que le Gouvernement de Pondichéry lui vota des remercîments pour sa conduite ; 3o que Lally ne lui avait conféré que sur le champ de bataille le commandement de la brigade de Lorraine rendu vacant par la capture de d’Estaing. Il ajoutait qu’il se rappelait qu’en passant à côté de la brigade de Lally, après la prise de d’Estaing, il avait recommandé d’amener deux pièces de campagne, l’ennemi n’en ayant aucune ; qu’il était ensuite passé à la brigade commandée par le chevalier de Poète auquel il dit que n’ayant ni rang, ni commandement, il venait combattre à ses côtés, et enfin qu’il n’avait jamais entendu parler de cette histoire jusqu’à ce qu’il eût quitté l’Inde.

    L’assertion de Bussy est controuvée, attendu : 1o Qu’il occupait dans l’armée le rang immédiatement après Soupire, et que ce rang lui avait été conféré avant le départ de Pondichéry ; 2o que, revêtu de ce rang, il avait pour devoir d’en remplir les fonctions ; 3o que l’affirmation de Lally fut, lors de son jugement, confirmée par la déposition de Crillon, le témoin le mieux placé pour éclairer la question ; 4oque dans l’état des relations entre Lally et le Conseil de Pondichéry, les remercîments décernés par celui-ci à Bussy n’avaient que peu de valeur ; 5o que le commandement d’un régiment conféré sur le champ de bataille était aussi valable que sur un autre terrain. Assurément la balance des témoignages est contre Bussy. M. Orme avance que Bussy allégua d’autres motifs ; mais celui-ci ne les donne pas dans ses Mémoires, ei nous les trouvons si peu satisfaisants que s’ils appartiennent réellement à Bussy ils ne feraient que confirmer notre opinion sur sa conduite blâmable.