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MORT DE MARTIN

Elle continua encore à lutter pendant quelque temps, grâce aux ressources que nous venons d’indiquer. Mais l’aide matérielle qu’elle donnait à la colonie de Pondichéry était fort peu de chose. Les négociants qui achetaient des licences faisaient leur fortune, tandis que les Directeurs qui les leur vendaient réalisaient à peine de quoi empêcher leurs employés de mourir de faim. Il était déplorable cle voir administrer ainsi les affaires de la Compagnie en France, lorsque dans l’Inde elles étaient dirigées par un homme d’une capacité hors ligne et d’une rare intégrité. Tandis que la ville de Pondichéry s’accroissait et que la population indigène continuait à s’augmenter rapidement, à raison du bon gouvernement qu’elle y trouvait, les rapports avec la Compagnie-mère devenaient chaque jour plus précaires et plus incertains, et le conseil supérieur ne pouvait s’empêcher de craindre que le moment ne fût proche où Pondichéry se verrait abandonner comme cela était arrivé pour Surate et Madagascar.

Les affaires étaient dans cette situation incertaine lorsque Martin mourut, le 30 décembre 1706. Sur ce coin de terre dont il avait pris possession trente-deux ans auparavant avec soixante hommes, existait maintenant une ville florissante, créée sous ses auspices, et lui, son fondateur, loin d’avoir amassé des richesses, s’éteignait dans la pauvreté, mais entouré de l’estime générale. Il avait consacré à son pays toutes ses facultés, publiques ou privées. Quoique, à l’époque de sa mort, Pondichéry ne fût encore que dans l’enfance, comme ville, cependant on y pouvait reconnaître un air de prospérité inconcevable. Il renfermait un beau palais pour le gouverneur, des maisons, des boutiques, le tout construit en briques. Martin, prévoyant l’importance que prendrait un jour la ville qu’il fondait, avait eu soin d’en tracer les rues de telle façon que les maisons qu’on y construirait ne pussent que contribuer à sa régularité et à sa beauté. Les bons fruits de ses sages règlements se produisirent soas ses successeurs et peuvent encore être constatés aujourd’hui.

Dix années s’étaient écoulées depuis que les Hollandais avaient rendu Pondichéry, et elles avaient été des années de paix et de prospérité croissante. Les Français étaient alors en grand renom dans les cours indigènes, précisément pour les qualités opposées à