Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/212

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bel esprit. Elle se montre enjouée, sans grimace. Chateaubriand, Soumet, Guiraud l’entourent d’hommages respectueux. Les jeunes mêlent à ces hommages un sentiment plus tendre. À leurs yeux, elle apparaît comme la Muse française, avec un casque et une lyre, et c’est pourquoi ils accepteront si facilement ce titre de Muse de la Patrie qu’elle va se décerner elle-même. Ils constituent un groupe choisi, quelque peu quintessencié, d’où les génies vont se dégager, mais dont Sainte-Beuve a souligné le faible pour « la chevalerie dorée, le joli moyen âge de châtelaines, de pages et de marraines, le christianisme de chapelle et d’ermitage, les pauvres orphelins, les petits mendiants qui faisaient fureur et se partageaient le fonds général des sujets, sans parler des innombrables mélancolies personnelles ». Ces jeunes poètes prédisent à Delphine la couronne de l’élégie lyrique. Ils découvrent dans son talent « un mélange de vigueur masculine et de sensibilité de femme du monde, plus affectée des choses de la société que des charmes de la nature, plus nerveuse que tendre, plus douloureuse que mélancolique, le tout marchant de concert avec beaucoup d’esprit réel, sans prétention, et se manifestant sous une forme de versification pure, correcte, savante même et assez neuve alors… Il y avait dans son style un grand éclat tempéré par un goût déjà sûr »[1].

Tandis que sa mère communique à Guiraud son propre enthousiasme pour lord Byron, Delphine

  1. Lettre d’Émile Deschamps à Sainte-Beuve : dans Henri Girard, Émile Deschamps, l, 94. — Sainte-Beuve : Portraits contemporains, I, 410.