Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/251

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cercle resté vide au centre du salon. L’ordre se rétablit lentement. Enfin, chacun regagne sa place. Delphine prend un siège, s’y pose en se tournant vers le tableau de Corinne, et dit en souriant :

— Je suis bien.

Silence complet. Elle commence. Quand elle en vient au passage où elle parle du serment de main tenir la Charte, de la liberté de la presse et des avances du parti libéral, des indiscrets coulent un coup d’œil vers la partie de l’auditoire que ces allusions doivent peu flatter. Mais les ducs demeurent impassibles dans leur sérénité. La curiosité de la plupart des auditeurs reste concentrée sur Delphine. Elle a fini : on la couvre d’éloges qui ne cessent que lorsque Talma prend la parole[1].

À quelque temps de là, Mathieu de Montmorency tombe malade, assez gravement pour inquiéter son entourage. On vient aux nouvelles chez Mme Récamier ; elle en donne au fidèle Ballanche, à Dugas Montbel, à Féret, un jeune magistrat, et à Delécluze, réunis chez elle. Soudain, Sophie Gay entre, l’air effaré, et demande :

— Eh bien ? Comment va M. le duc de Montmorency ?

— Beaucoup mieux, répond Mme Récamier ; je l’ai vu il y a deux heures, la saignée lui a été très salutaire.

— Ah ! que vous me faites de bien ! Et Sophie Gay de partir comme un trait. Cette entrée brusque, ce prompt départ, jettent un froid.

  1. Delécluze : Souvenirs de soixante années, p. 288. — Herriot : Madame Récamier, p. 196.