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Page:Malot - Cara, 1878.djvu/143

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cette existence entre M. et madame Sciazziga était la dernière goutte, la plus amère et la plus écœurante du calice ; elle eut un mouvement de dégoût qui la fit frissonner des pieds à la tête.

Mais la réflexion lui dit qu’elle devait se résigner à accepter ce dégoût comme tant d’autres, elle n’en était plus à les compter.

Après tout, la présence de madame Sciazziga la préserverait de bien des ennuis.

— Eh bien ? fit Sciazziga en insistant.

Ne pouvant pas répondre, elle fit un signe d’acquiescement.

— Allons c’est parfait, dit-il ; maintenant, il faut que ze vous montre votre chambre ; pendant ce temps on servira la table. Voulez-vous m’accompagner ?

Ils sortirent dans la cour de la maison, et prenant un escalier au fond, ils montèrent au sixième étage.

Oun étage encore, disait-il, ma l’ezalier est doux.

La chambre destinée à Madeleine était une sorte de grenier encombré de meubles de toutes sorte.

— Vous voyez, dit Sciazziga, vous aurez de l’air et de la loumière ; avec oun bon piano vous sérez ici comme oune reine ; vous pourrez travailler dou matin au soirsans être déranzée : demain ferai prendre vos moubles chez vous.

Quand ils redescendirent le déjeuner était servi sur une toile cirée.

Déjà assise à sa place, madame Sciazziga, qui n’avait quitté ni son cachemire ni son fichu de dentelle, désigna une chaise à Madeleine avec un geste de reine de théâtre.

— Entre nous deux, dit-elle en souriant à son mari.