Page:Malot - Cara, 1878.djvu/15

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course inutile, il sortit du magasin et alla frapper à une petite porte bâtarde, — celle de la cuisine, — qui ouvrait directement sur l’escalier.

Une voix lui ayant répondu de l’intérieur, il entra : deux hommes se trouvaient dans cette cuisine ; l’un d’eux, en veste de velours bleu, évidemment un commissionnaire, était en train de cirer des bottines ; l’autre, en gilet à manches, assis sur deux chaises, les pieds en l’air, était occupé à lire le journal.

— Tiens ! monsieur Pierre, dit ce dernier en abandonnant sa lecture.

— Moi-même, monsieur Joseph, qui me fais le plaisir de vous apporter une lettre pour M. Léon.

— Monsieur n’est pas éveillé.

Et comme le commissionnaire qui cirait les bottines avait ralenti le mouvement de son bras droit :

— Frottez donc, père Manhac ; vous avez déjà batté les vêtements tout à l’heure, n’ayez pas peur d’appuyer sur le cuir, vous savez : ce n’est pas monsieur qui paye, c’est moi, donnez-m’en pour mon argent.

Puis se tournant vers le garçon de bureau :

— Ma parole d’honneur, c’est agaçant de ne pouvoir pas avoir une minute de tranquillité ; si vous vous relâchez de votre surveillance, rien ne va plus.

Pendant cette observation faite d’un ton rogue, le père Manhac avait achevé de cirer les bottines ; les ayant posées délicatement sur une table, il sortit le dos tendu en homme qui trouve plus sage de fuir les observations que de les affronter.

— Ne portez-vous pas ma lettre à M. Léon ? demanda le garçon de bureau.

— Non, bien sûr.