Page:Malot - Cara, 1878.djvu/21

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ciale au lieu d’être artiste, comme il l’avait tout d’abord souhaité, j’entrais dans la magistrature. Et, d’autre part, tandis que ton père épousait une femme riche qui lui apportait des millions, j’en épousais une qui n’avait pour dot et pour tout avoir qu’une cinquantaine de mille francs.

« Cette dot avait été placée dans une affaire industrielle ; je ne changeai point ce placement, car il ne me convenait pas de défaire ce qui avait été fait par mon beau-père, et d’un autre côté j’étais bien aise de tirer de ces cinquante mille francs un revenu assez gros pour que ma femme et ma fille n’eussent point trop à souffrir de la médiocrité de mon traitement de substitut.

« C’est grâce à ce revenu qu’après avoir perdu ma femme au bout de quatre années de mariage, je pus garder ma fille près de moi, et qu’elle a été élevée sous mes yeux, sur mon cœur.

« En la mettant dans un pensionnat, saurais pu faire de sérieuses économies, car, lorsqu’on prend, pour instruire un enfant dans la maison paternelle, les meilleurs professeurs dans chaque branche d’instruction, pour la peinture un peintre de mérite, pour la musique des artistes de talent, cela coûte cher, très-cher, et en employant utilement ces économies, soit à former un capital, soit à constituer une assurance sur la vie, payable entre les mains de ma fille le jour de son mariage, je serais arrivé à lui constituer une dot moitié plus forte que celle que sa mère avait reçue. Mais je n’ai point cru que c’était là le meilleur. Plusieurs raisons d’ordre différent me déterminèrent : j’aimais ma fille, et ce m’eût été un profond chagrin de me séparer