Page:Malot - Cara, 1878.djvu/226

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diste, le marchand de fourrages, le boucher, l’épicier, même le boulanger ; c’est à en perdre la tête. Si elle voulait que tout cela fût payé du jour au lendemain, rien ne serait plus facile, elle n’aurait qu’un mot à dire, qu’un signe de tête à faire, il y a assez de gens, Dieu merci, qui seraient heureux de se ruiner pour elle ; mais elle ne dira pas ce mot et elle ne fera pas ce signe, elle aime trop monsieur.

À une pareille confidence il n’y avait qu’une réponse possible : demander les notes de ces fournisseurs ; ce fut ce que fit Léon.

Mais Louise refusa :

— Si monsieur croit que c’est pour en arriver à ce résultat que je lui ai raconté, bien malgré moi, ce qui se passe, il se trompe. Qu’est-ce que j’ai demandé à monsieur ? que madame ne sache jamais que je lui ai parlé. Si monsieur payait lui-même les fournisseurs, madame comprendrait tout de suite le rôle que j’ai joué et dans sa colère elle me renverrait. Je ne veux pas de ça et voilà pourquoi, avant d’ouvrir la bouche, j’ai fait promettre à monsieur que madame ne saurait jamais rien de ce que je lui aurais raconté ; monsieur a promis, je lui demande de tenir sa promesse, ce n’est pas pour madame que j’ai parlé, c’est pour monsieur, rien que pour lui, afin qu’il ne s’inquiète pas de ce qu’il peut remarquer d’étrange. Maintenant il est bien certain, que si monsieur pouvait débarrasser madame de tous ces ennuis, j’en serais heureuse, mais comment ?

Léon n’avait aucune confiance en Louise : il la savait intelligente ; il la voyait dévouée à Cara ; mais, malgré tout, elle lui inspirait un sentiment de répulsion instinctive ; il ne fut donc pas dupe de cette confidence.