Page:Malot - Cara, 1878.djvu/246

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— Vous ne savez pas, disait-il à sa belle-mère, qui le consultait à chaque instant avec des angoisses toutes maternelles, vous ne savez pas quel est le train de maison de ces femmes qui payent toutes choses deux ou trois fois plus cher qu’elles ne valent. Il en est de Cara comme de ces négociants qui ont trois ou quatre cents francs de frais généraux par jour, et qui ne font pas un sou de recette. Comment voulez-vous qu’ils aillent, s’ils ne trouvent pas sans cesse de nouveaux commanditaires ? Il faut que Cara, elle aussi, fasse comme eux. Sans doute cela lui sera désagréable, car lorsqu’elle a jeté le grappin sur Léon elle était au bout de son rouleau, et elle espérait bien avec lui refaire sa fortune et en même temps se refaire elle-même dans une existence calme et bourgeoise, où elle pourrait enfin se reposer de toutes ses fatigues. Mais, quand il y a nécessité, on ne s’arrête pas devant ce qui est désagréable. Cara congédiera donc Léon, soyez-en certaine, au moins en qualité d’amant en titre ; si elle le gardait, ce serait en compagnie de plusieurs autres, et je ne crois pas que Léon accepte un pareil rôle.

— Mon fils ! s’écria madame Haupois-Daguillon. Et à cette pensée sa fierté se révolta indignée au moins autant que son honnêteté.

C’était un petit bonhomme assez ridicule que M. le baron Valentin, mais il avait au moins cette supériorité sur des gens tout aussi ridicules que lui, de savoir qu’il l’était, et par où il l’était. C’était parce qu’il était peu fier de sa baronnie, qu’il avait voulu l’ilustrer par quelque action d’éclat et qu’il avait recherché obstinément les gloires du tir aux pigeons, n’étant point en état d’en briguer d’autres, plus difficiles ou plus dis-