Page:Malot - Cara, 1878.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Pour ton avenir, il ne faut pas que des billets signés de ton nom soient protestés ; chaque fois qu’on en présentera un, la caisse refusera de le payer, mais tu m’avertiras et je te donnerai les fonds que tu porteras toi-même chez l’huissier.

Le « toi-même » serait légèrement souligné et seulement de façon à bien marquer le témoignage de confiance.

Comment l’enfant prodigue rentrant dans la maison paternelle ne serait-il par touché par ces témoignages d’affection !

Mais l’enfant prodigue n’était pas rentré ; et, les affiches annonçant la vente de Cara avaient frappé leurs yeux : Mobilier moderne, diamants, par suite du départ de mademoiselle C…

« Par suite de départ » ; comme ces mots leur avaient été doux ! Et M. Haupois-Daguillon, rentrant de sa promenade et ayant dit à sa femme qu’il avait vu cette affiche, celle-ci avait voulu descendre dans la rue pour la lire elle-même. Ah ! comme son cœur de mère avait battu en lisant cette ligne : « Par suite du départ de mademoiselle C… » ; mais comme en même temps son imagination de femme honnête avait travaillé en lisant la longue énumération de l’affiche : Meubles d’art, marbres, tableaux, diamants, voitures, c’était par le luxe que ces femmes séduisaient les jeunes gens, et c’était pour entretenir ce luxe que ceux-ci se ruinaient.

Enfin elle partait cette femme et bientôt ils en seraient délivrés : après tout, il était jusqu’à un certain point admissible que Léon eût voulu, en testant avec elle pendant quelques jours, lui adoucir les chagrins de ce départ et de cette vente : il était si bon, si tendre le brave garçon.