Page:Malot - Cara, 1878.djvu/297

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aussi probablement par quelque regard maladroitement lancé du côté du rideau, se leva vivement et courut à ce rideau qu’elle souleva. Une explication suivit ce coup de théâtre, et alors je pus parler plus fortement que je ne l’avais fait jusqu’à ce moment. Quel fut selon vous le résultat de cette explication ? Cara manœuvra si bien que le duc lui offrit son bras et qu’ils sortirent de mon cabinet plus fortement liés l’un à l’autre que lorsqu’ils étaient entrés. Désolée de cette faiblesse, madame la duchesse de Carami obtint que Cara serait mise à Saint-Lazare. Elle y resta deux jours. Le troisième, je reçus l’ordre de la faire mettre en liberté ; et il n’y avait pas à discuter cet ordre, qui avait été obtenu grâce aux toutes-puissantes protections dont dispose sa sœur dans un certain monde. Une fille avait eu plus de pouvoir que la duchesse de Carami, car cette sœur de Cara n’est rien autre chose qu’une fille, comme Cara elle-même d’ailleurs ; ces deux femmes, au lieu de se faire concurrence, ont eu la sagesse de se partager les rôles, l’une a travaillé dans le monde officiel, l’autre dans le monde de l’argent ; elles se sont aidées, elles ne se sont pas contrariées. Aujourd’hui, par considération pour vous, messieurs, et sur votre demande, je puis encore envoyer Cara à Saint-Lazare, mais je vous préviens d’avance qu’elle n’y restera pas longtemps. Je ne puis donc rien pour vous, et j’en suis désolé. Mais, hélas ! il n’y a plus de pouvoir qui protége les familles ; nous ne sommes plus au temps où l’on pouvait expédier Manon Leseaut à la Louisiane. Nous ne sommes même plus au temps où, par la contrainte par corps, on pouvait, en coffrant les jeunes gens à Clsoliv, les séparer de leurs maîtresses :