Page:Malot - Cara, 1878.djvu/311

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— Non, dit-elle, cela m’étouffe ; je sens qu’il se passe quelque chose de grave ; allons dans notre chambre, et dis-moi tout, absolument tout.

Elle avait eu le temps de réfléchir et de prendre une contenance, elle écouta donc Léon sans l’interrompre.

Il lui dit comment, au moment où il rentrait, Jacques, le valet de chambre de ses parents, lui avait remis une lettre de sa mère ; comment en apprenant que sa mère était malade il avait couru rue de Rivoli, sans penser à rien autre chose qu’à cette nouvelle inquiétante ; comment il avait trouvé sa mère alitée, souffrant de douleurs rhumatismales fort pénibles ; comment celle-ci, au moment de dîner, lui avait demandé de partager son dîner de malade ; comment il n’avait pu refuser ; enfin comment, malgré le désir qu’il en avait, il n’avait pu trouver personne pour apporter, rue Auber, un mot expliquant son retard.

Elle l’avait écouté les yeux dans les yeux, debout devant lui ; lorsqu’il se tut, elle s’avança de deux pas et, lui prenant la tête entre les mains en se penchant doucement, de manière à l’effleurer de son souffle :

— Comme c’est bien toi ! dit-elle d’une voix caressante ; comme c’est bien ta bonté, ta générosité, ta tendresse ; ta mère, s’associant à ton père, t’a mis en dehors de la famille ; tu apprends qu’elle est malade, tu oublies l’injure, la blessure qu’elle t’a faite ; tu n’as plus qu’une pensée : l’embrasser ; et tu cours à elle les bras ouverts. Oh ! mon cher Léon, comme je t’aime et que je suis fière de toi ! Oh ! le brave garçon, le bon cœur !

Et, lui passant un bras autour du cou, elle s’assit sur