Page:Malot - Cara, 1878.djvu/317

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ses dont il l’accablait avec l’obséquiosité et la platitude d’un homme qui n’a pas la conscience sûre, il y a quinze ans que nous nous connaissons, et je puis dire, n’est-ce pas, que je vous ai fait gagner une bonne partie de ce que vous possédez.

— Ça c’est vrai, c’est bien vrai, et je ne l’oublierai jamais.

— Vous ne l’oubliez pas, mais dans la pratique de la vie cela ne vous engage à rien envers moi.

— Si l’on peut dire, pour vous je sauterais dans le feu, je…

— Écoutez-moi. Quand je suis venue vous demander de ne pas harceler M. Léon Haupois de vos réclamations d’argent, vous m’avez dit que vous étiez gêné, que vous étiez menacé de la faillite, enfin vous avez si bien joué votre jeu, que je vous ai presque cru. Vous vous êtes moqué de moi. Vous n’avez tourmenté M. Léon Haupois que parce que vous aviez intérêt à le faire.

— Si l’on peut dire !

— Nous savons tout, n’essayez donc pas de me tromper encore, ou cela vous coûtera cher.

Le moyen employé par Cara était celui qui réussit si souvent dans les querelles d’amant et de maîtresse : « je sais tout », c’est-à-dire l’affirmation de la probabilité ; avec Rouspineau, il devait être infaillible si le fameux « tout » était bien dit avec l’assurance de la certitude.

Il produisit l’effet attendu ; Rouspineau se troubla ; dès lors, bien certaine d’avoir touché juste, Cara n’eut plus qu’à jouer sa scène de manière à arriver à des aveux. Rouspineau se défendit ; il ne savait pas ce que tout cela voulait dire, il était innocent comme l’enfant