Page:Malot - Cara, 1878.djvu/325

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— Voilà que tes paroles sont justement celles que je t’adressais hier ; tu vois comme l’on souffre lorsque l’on attend ; mais sois assuré que ce n’était point pour te faire connaître mes angoisses que je suis sortie ce matin. Tu as bien dormi toi ; moi je n’ai pas fermé l’œil de la nuit.

— Malade ?

— Non, inquiète, tourmentée : j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit à propos de ce voyage que ta mère te voudrait voir entreprendre.

— Pourquoi te tourmenter puisque je t’ai dit que ce voyage ne se ferait pas ?

— Et c’est justement pour cela que je me tourmente.

— Ne m’as-tu pas dit toi-même que tu ne voulais pas que nous nous séparions ?

— Pas pour une heure, ai-je dit, je m’en souviens, mais cette parole a été le cri de l’égoïsme et de la passion : je n’ai pensé qu’à moi, qu’à mon amour, qu’à mon bonheur ; je n’ai pensé ni à ton repos, ni à la santé de ta mère. Et cependant ce sont choses qu’il ne faut pas oublier. Toute la nuit j’ai donc réfléchi à ce cri qui m’avait échappé, et j’ai fait mon examen de conscience, me disant que quand, de ton côté, toi aussi tu réfléchirais, tu me condamnerais pour cette pensée égoïste.

— Te condamner serait me condamner moi-même.

— Toi, tu as le droit de disposer de ton repos, et, jusqu’à un certain point, de celui de ta mère. Moi, je ne l’ai pas. J’ai senti cela. Mais je n’ai pas voulu m’en tenir aux réflexions d’une nuit de fièvre, ce matin j’ai voulu demander un conseil sûr.

— Et à qui demandes-tu conseil quand il s’agit de nous ?