Page:Malot - Cara, 1878.djvu/36

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les plaisirs intellectuels occupaient une juste place, n’avait rien de la vie affairée que ses parents menaient à Paris, et c’était justement pour cela qu’elle avait eu tant de charmes pour lui : elle avait été une révélation et, par suite, un sujet de rêverie et de comparaison ; il n’y avait donc pas que l’argent et les affaires en ce monde ; on pouvait donc causer d’autre chose que d’échéances et de recouvrements ; il y avait donc des pères qui faisaient passer avant tout l’éducation de leurs enfants !

De souvenir en souvenir, il en revint aux discussions qui tant de fois s’étaient engagées entre sa sœur et lui, alors qu’elle l’accompagnait à Rouen.

Autant il avait de plaisir à passer quelques semaines dans la maison du quai des Curandiers, autant Camille avait d’ennui ; elle la trouvait misérablement bourgeoise, cette maisonnette ; son mobilier était démodé ; les gens qui la fréquentaient étaient vulgaires, communs, sans nom ; Madeleine s’habillait mesquinement, le blond de ses cheveux était fade, ses manières ne seraient jamais nobles. Que le mobilier fût démodé, il avouait cela ; mais les tableaux, les dessins, les gravures, les objets d’art, sculptures, faïences, antiquités, curiosités qui couvraient les murs, n’étaient-ils pas d’une tout autre importance que des fauteurls ou des tables ? Que Madeleine s’habillât sans coquetterie, il le concédait encore, mais non que ses manières ne fussent pas nobles : Pas noble, Madeleine ! Mais en vérité elle était la noblesse même, ayant reçu sa distinction de race de sa mère, qui descendait des conquérants normands, ainsi que le prouvait d’ailleurs son nom de Valletot, venant du mot germain tot, qui signifie de-