Page:Malot - Cara, 1878.djvu/370

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Madeleine était née artiste, elle voulait être artiste. C’est pour cela qu’elle a quitté votre maison ; c’est pour se faire chanteuse ; elle a débuté hier à l’Opéra avec un succès que les journaux sont unanimes ce matin à constater : une grande artiste nous est née.

— Comédienne !

— Je sais tout ce que vous pourrez dire, mais je vous répondrai que Madeleine est devenue chanteuse comme Léon est devenu le mari de Cara : chacun se console comme il peut ; l’un demande sa consolation à une femme, l’autre au travail et à l’art. Enfin Madeleine est chanteuse, et je l’ai retrouvée hier à l’Opéra chantant Ophélie avec le succès que je viens de vous dire. En la reconnaissant, car c’est en la voyant sur la scène que je l’ai reconnue, ma première pensée a été d’aller à elle pour lui demander si elle voulait sauver Léon. Heureusement je me suis arrêté en chemin. D’abord il était sage de s’assurer si Madeleine était toujours Madeleine, et cette assurance, on me l’a donnée telle que je la pouvais désirer. Puis il était sage aussi de savoir si vous étiez disposés à accepter son concours et à le payer du prix qu’il mérite au cas où elle vous rendrait votre fils. C’est ce que je viens vous demander, avant de voir Madeleine, que je vais aller trouver en sortant d’ici. Si Madeleine vous rend Léon, puis-je, en votre nom, prendre l’engagement que vous consentirez à son mariage avec votre fils ; puis-je loyalement lui demander ce concours sans lequel vous n’arriverez à rien de pratique et qui seul peut empêcher Léon de persister dans la voie où Cara le pousse ?

— Mais, cher ami… s’écria M. Haupois évidemment suffoqué.