Page:Malot - Cara, 1878.djvu/50

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— La mer ne garde rien, tout le monde sait cela, mademoiselle.

Madeleine voulut prononcer une parole de remercîment, mais de sa gorge contractée il ne sortit qu’un son étouffé et qu’un sanglot.

On se mit en marche, Madeleine enveloppée dans un manteau et s’appuyant sur le bras de Léon, qui la guidait ; les pêcheurs s’avançant par groupes de deux ou trois, silencieux.

— En peu de temps, par les rues sombres et désertes du village, ils arrivèrent sur la grève ; la mer s’était déjà retirée à une assez grande distance, et le sable humide réfléchissait çà et là avec des miroitements argentins la lumière de la lune, dont le disque commençait à s’échancrer ; il soufflait une brise de terre qui poussait les nuages vers l’embouchure de la Seine, et, de ce côté, ils s’entassaient en des profondeurs sombres au milieu desquelles scintillaient les deux yeux des phares de la Hève.

Madeleine eut un frisson, et ses doigts se crispèrent sur le bras de son cousin : la vague, qui déferlait sur la plage, frappait sur son cœur.

En moins d’une demi-heure, par la grève, ils arrivèrent devant le sémaphore de Bernières ; alors trois ombres se détachèrent de la terre pour venir au-devant d’eux sur la plage : M. Soullier et deux pêcheurs qui avaient vu la catastrophe.

Mais les recherches ne purent pas commencer aussitôt, car la marée lente à descendre était encore trop haute : il fallut attendre ; et les hommes se promenèrent de long en large tandis que Madeleine appuyée sur le bras de Léon restait immobile, regardant la