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Page:Malot - Cara, 1878.djvu/70

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nous discutons, c’est sur la position sociale et financière que doit occuper dans le monde celle qui épousera l’héritier de la maison Haupois-Daguillon. Aie donc un peu la fierté de ta maison, de ton nom et de ta fortune. Autrefois on disait : « noblesse oblige » ; la noblesse n’est plus au premier rang ; aujourd’hui c’est « fortune qui oblige ». Tu sens bien, n’est-il pas vrai, que tu ne peux pas épouser une femme qui n’a rien.

Depuis que ce gros mot de fortune avait été prononcé, Léon avait une réplique sur les lèvres : « Mon père n’avait rien, ce qui ne l’a pas empêché d’épouser l’héritière des Daguillon ; » mais, si décisive qu’elle fût, il ne pouvait la prononcer qu’en blessant son père aussi bien que sa mère, et il la retint :

— Il y aurait un moyen que Madeleine ne fût pas une femme qui n’a rien, dit-il en essayant de prendre un ton léger.

— Lequel ? demanda M. Haupois, qui n’admettait pas volontiers qu’on ne discutât pas toujours gravement et méthodiquement.

— Elle est, par le seul fait de la mort de mon pauvre oncle, devenue ta fille, n’est-ce pas ?

— Sans doute.

— Eh bien ! tu ne marieras pas ta fille sans la doter ; donne-lui la moitié de ma part, et en nous mariant nous aurons un apport égal.

— Allons, décidément, tu es tout à fait fou.

— Non, mon père, et je t’assure que je n’ai jamais parlé plus sérieusement ; car je m’appuie sur ta bonté, sur ta générosité, sur ton cœur, et cela n’est pas folie.

— Tu as raison de croire que je doterai Madeleine ; nous nous sommes déjà entendus à ce sujet, ta mère et