Page:Malot - Cara, 1878.djvu/77

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Cette réponse avait toujours été la même en présence d’un mari pauvre.

S’amoindrir ! s’abaisser ! pour eux c’était faire faillite moralement.

Que répondre à son père et à sa mère lui disant : « Ce n’est pas Madeleine que nous repoussons, c’est la fille sans fortune ? »

Toutes les raisons du monde les meilleures et les plus habiles ne feraient pas Madeleine riche du jour au lendemain ; et ce qu’il dirait, ce qu’il tenterait en ce moment, tournerait en réalité contre elle.

Ce qu’il fallait pour le moment, c’était que Madeleine restât près de son père et de sa mère et qu’elle devînt de fait ce qu’elle n’était encore qu’en parole : leur fille.

Et puis d’ailleurs ce temps d’attente aurait cela de bon qu’il serait pour lui-même un temps d’épreuve. Loin de Madeleine, il sonderait son cœur. Et, s’étant dégagé du sentiment de sympathie et de tendresse qui à cette heure le poussait vers elle, il verrait s’il aimait réellement sa cousine, et surtout s’il l’aimait assez pour l’épouser malgré son père et sa mère.

La chose était assez grave pour être mûrement pesée et ne point se décider à la légère par un coup de tête ou dans un mouvement de révolte.

Résolu à partir, il voulut l’annoncer lui-même à Madeleine, et pour cela il choisit un moment où, sa mère étant occupée rue Royale et son père étant à son cercle, il était certain de la trouver seule et de n’être point dérangés dans leur entretien.

— Je viens t’annoncer mon départ pour demain, dit-il.