Page:Malot - En famille, 1893.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
EN FAMILLE.

d’abord, affolée par la soif, elle n’avait pensé qu’à la pluie, le tonnerre en la secouant lui rappelait qu’il n’y a pas que de la pluie dans un orage ; mais aussi des éclairs aveuglants, des torrents d’eau, de la grêle, des coups de foudre.

Où s’abriterait-elle dans cette vaste plaine nue ? Et si sa robe était traversée, comment la ferait-elle sécher ?

Dans les derniers tourbillons de poussière qu’emportait la trombe, elle aperçut devant elle à deux kilomètres environ la lisière d’un bois à travers lequel s’enfonçait la route, et elle se dit que là peut-être elle trouverait un refuge, une carrière, un trou où elle se terrerait.

Elle n’avait pas de temps à perdre : l’obscurité s’épaississait, et les roulements du tonnerre se prolongeaient maintenant indéfiniment, dominés à des intervalles irréguliers par un éclat plus formidable que les autres, qui suspendait sur la plaine et dans le ciel, tout mouvement, tout bruit, comme s’il venait d’anéantir la vie de la terre.

Arriverait-elle au bois avant l’orage ? Tout en marchant aussi vite que sa respiration haletante le permettait, elle tournait parfois la tête en arrière, et le voyait fondre sur elle au galop furieux de ses nuages noirs ; et de ses détonations, il la poursuivait en l’enveloppant d’un immense cercle de feu.

Dans les montagnes, en voyage, elle avait plus d’une fois été exposée à de terribles orages, mais alors elle avait son père, sa mère qui la couvraient de leur protection, tandis que maintenant elle se trouvait seule, au milieu de cette campagne déserte, pauvre oiseau voyageur surpris par la tempête.

Elle eût dû marcher contre elle qu’elle n’eût certainement