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EN FAMILLE.

Elle n’eut pas le temps de réfléchir, une grande flamme accompagnée d’une terrible poussée la jeta à la renverse, aveuglée et abasourdie en la couvrant de branches. Quand elle revint à elle, tout en se tâtant pour voir si elle était encore en vie, elle aperçut à une courte distance, tout blanc dans l’obscurité, un chêne que le tonnerre venait de frapper, en le dépouillant du haut en bas de son écorce, projetée à l’entour, et qui, en tombant sur la cabane, l’avait bombardée de ses éclats ; le long de son tronc nu deux de ses maîtresses branches pendaient tordues à la base ; secouées par le vent, elles se balançaient avec des gémissements sinistres.

Comme elle regardait effarée, tremblante, épouvantée à la pensée de la mort qui venait de passer sur elle, et si près que son souffle terrible l’avait couchée sur le sol, elle vit le fond du bois se brouiller, en même temps qu’elle entendit un roulement extraordinaire plus puissant que ne le serait celui d’un train rapide, — c’était la pluie et la grêle qui s’abattaient sur la forêt ; la cabane craqua du haut en bas, son toit ondula sous la bourrasque, mais elle ne s’effondra pas.

L’eau ne tarda pas à rouler en cascades sur la pente que les bûcherons avaient inclinée au nord, et sans se faire mouiller, Perrine n’eut qu’à étendre le bras pour boire à sa soif dans le creux de sa main.

Maintenant elle n’avait qu’à attendre que l’orage fût passé ; puisque la hutte avait résisté à ces deux assauts furieux, elle supporterait bien les autres, et aucune maison, si solide qu’elle fût, ne vaudrait pour elle cette cabane de branchages dont elle était maîtresse. Cette pensée la remplit d’un doux bien-être qui, succédant aux efforts qu’elle venait de faire,