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EN FAMILLE.

d’une mauvaise poche, pas plus qu’elle ne rencontrait les occasions de travail que l’imagination représentait si faciles, et que la réalité n’offrait nulle part.

Cependant il y avait urgence à ce que l’une ou l’autre de ces bonnes chances s’accomplît au plus tôt, car les malaises qu’elle avait ressentis la veille, se répétaient si intenses par moments, qu’elle commençait à craindre de ne pas pouvoir continuer son chemin : maux de cœur, nausées, étourdissements, bouffées de sueurs qui lui cassaient bras et jambes.

Elle n’avait pas à chercher la cause de ces troubles, son estomac la lui criait douloureusement, et comme elle ne pouvait pas répéter l’expérience de la veille avec les branches de bouleau, qui lui avait si mal réussi, elle se demandait ce qui adviendrait, après qu’un étourdissement plus fort que les autres l’aurait forcée à s’asseoir sur l’un des bas côtés de la route.

Pourrait-elle se relever ?

Et si elle ne le pouvait pas, devrait-elle mourir là sans que personne lui tendît la main ?

La veille si on lui avait dit, quand par un effort désespéré elle avait gagné la cabane de la forêt, qu’à un moment donné elle accepterait sans révolte cette idée d’une mort possible par faiblesse et abandon de soi, elle se serait révoltée : ne se sauvent-ils pas ceux qui luttent jusqu’au bout ?

Mais la veille ne ressemblait pas au jour présent : la veille elle avait un reste de force qui maintenant lui manquait, sa tête était solide, maintenant elle vacillait.

Elle crut qu’elle devait se ménager, et chaque fois qu’une faiblesse la prit elle s’assit sur l’herbe pour se reposer quelques instants.