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EN FAMILLE.

« Tu sais que c’est une voleuse, s’écria-t-elle, je n’en donne à personne des pièces fausses, attendu que je ne m’en laisse fourrer par personne. Sois tranquille, il faudra qu’elle me la rende quand je repasserai par Saint-Denis ou bien j’ameute le quartier contre elle ; j’en ai des amis à Saint-Denis, nous mettrons le feu à sa boutique. »

Perrine continua son récit et l’acheva.

« Comme ça tu étais en train de mourir, dit La Rouquerie ; quel effet cela te faisait-il ?

— Ça a commencé par être très douloureux, et j’ai dû crier à un moment comme on crie la nuit quand on étouffe, et puis j’ai rêvé du paradis et de la bonne nourriture que j’allais y manger ; maman qui m’attendait me faisait du chocolat au lait, je le sentais.

— C’est curieux que le coup de chaleur qui devait te tuer te sauve précisément, car sans lui je ne me serais pas arrêtée dans ce bois pour laisser reposer Palikare et il ne t’aurait pas trouvée. Maintenant qu’est-ce que tu veux faire ?

— Continuer mon chemin.

— Et demain comment mangeras-tu ? Il faut avoir ton âge pour aller comme ça à l’aventure.

— Que voulez-vous que je fasse ? »

La Rouquerie tira deux ou trois bouffées de sa pipe gravement, en réfléchissant, puis elle répondit :

« Voilà. Je vas jusqu’à Creil, pas plus loin, en achetant mes marchandises dans les villages et les villes qui se trouvent sur ma route ou à peu près, Chantilly, Senlis ; tu viendras avec moi, crie un peu, si tu en as la force : « Peaux de lapin, chiffons, ferraille à vendre ».