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EN FAMILLE.

ne le voyait ; enfin près d’elle, sous ses yeux, le travail des employés de l’octroi qui passaient de longues lances à travers les voitures de paille, ou escaladaient les fûts chargés sur les haquets, les perçaient d’un fort coup de foret, recueillaient dans une petite tasse d’argent le vin qui en jaillissait, en dégustaient quelques gouttes qu’ils crachaient aussitôt.

Comme tout cela était curieux, nouveau, et elle s’y intéressait si bien, que le temps passait, sans qu’elle en eût conscience.

Déjà un gamin d’une douzaine d’années qui avait tout l’air d’un clown, et appartenait sûrement à une caravane de forains dont les roulottes avaient pris la queue, tournait autour d’elle depuis dix longues minutes, sans qu’elle eût fait attention à lui, lorsqu’il se décida à l’interpeller :

« V’là un bel âne ! »

Elle ne dit rien.

« Est-ce que c’est un âne de notre pays ? Ça m’étonnerait joliment. »

Elle l’avait regardé, et voyant qu’après tout il avait l’air bon garçon, elle voulut bien répondre :

« Il vient de Grèce.

— De Grèce !

— C’est pour cela qu’il s’appelle Palikare.

— Ah ! c’est pour cela ! »

Mais malgré son sourire entendu, il n’était pas du tout certain qu’il eût très bien compris pourquoi un âne qui venait de Grèce pouvait s’appeler Palikare.

« C’est loin la Grèce ? demanda-t-il.