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EN FAMILLE.

— Non… je dis ah ! Mme Françoise.

— C’est qu’elle est bien connue dans le pays, pour son débit, et puis aussi parce que comme elle a été la nourrice de M. Edmond Paindavoine, quand les gens veulent demander quelque chose à M. Vulfran Paindavoine, ils s’adressent à elle.

— Elle obtient ce qu’ils désirent ?

— Des fois oui, des fois non ; pas toujours commode M. Vulfran.

— Puisqu’elle a été la nourrice de M. Edmond Paindavoine, pourquoi ne s’adresse-t-elle pas à lui ?

— M. Edmond Paindavoine ! il a quitté le pays avant que je sois née ; on ne l’a jamais revu ; fâché avec son père, pour des affaires, quand il a été envoyé dans l’Inde où il devait acheter le jute… Mais si vous ne savez pas ce que c’est qu’une cannetière, vous ne devez pas connaître le jute ?

— Une herbe ?

— Un chanvre, un grand chanvre qu’on récolte aux Indes et qu’on file, qu’on tisse, qu’on teint dans les usines de Maraucourt ; c’est le jute qui a fait la fortune de M. Vulfran Paindavoine. Vous savez il n’a pas toujours été riche M. Vulfran : il a commencé par conduire lui-même sa charrette dans laquelle il portait le fil et rapportait les pièces de toile que tissaient les gens du pays chez eux, sur leurs métiers. Je vous dis ça, parce qu’il ne s’en cache pas. »

Elle s’interrompit :

« Voulez-vous que nous changions de bras ?

— Si vous voulez, mademoiselle… Comment vous appelez-vous ?

— Rosalie.