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EN FAMILLE.

« Je vas aller aider Laïde, dit une des femmes, ou ça durera jusqu’à demain. »

En effet elle se leva et descendit ; alors dans l’escalier se produisit un grand brouhaha de voix, mêlé à des bruits de pas lourds, à des coups sourds, et aux cris des habitants du rez-de-chaussée furieux de ce tapage : toute la maison semblait ameutée.

À la fin la Noyelle fut traînée dans la chambre, pleurant avec des exclamations désespérées :

« Qu’est-ce que je vos ai fait ? »

Sans écouter ses plaintes, on la déshabilla et on la coucha ; mais pour cela elle ne s’endormit point et continua de pleurer en gémissant.

« Qu’est que je vos ai fait pour que vous me brutalisiez ? Je suis-t’y malheureuse ! Je suis-t’y une voleuse qu’on ne veut pas boire avec mé ? Laïde, j’ai sef. »

Plus elle se plaignait, plus l’exaspération contre elle montait dans la chambrée, chacune criant son mot plus ou moins fâché.

Mais elle continuait toujours :

« Salut, turlututu, chapeau pointu, fil écru, t’es rabattu. »

Quand elle eut épuisé tous les mots en u qui amusaient son oreille, elle passa à d’autres qui n’avaient pas plus de sens.

« Le café à la vapeur, n’a pas peur, meilleur pour le cœur ; va donc, balayeur ; et ta sœur ? Bonjour, monsieur le brocanteur. Ah ! vous êtes buveur ? ça fait mon bonheur, peut-être votre malheur. Ça donne la jaunisse ; faut aller à l’hospice ; voyez la directrice ; mangez de la réglisse ; mon