Page:Malot - En famille, 1893.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
EN FAMILLE.

sée, des coups sourds lui battaient dans le front, la sueur l’inondait de la tête aux pieds.

Il n’y avait pas à chercher la cause de ce malaise : elle étouffait parce que l’air lui manquait, et si ses camarades de chambrée n’étouffaient pas comme elle, c’est qu’elles étaient habituées à vivre dans cette atmosphère, suffocante pour qui couchait ordinairement en plein champ.

Mais puisque ces femmes, des paysannes, s’étaient bien habituées à cette atmosphère, il semblait qu’elle le pourrait comme elles : sans doute il fallait du courage et de la persévérance ; mais si elle n’était pas paysanne, elle avait mené une existence aussi dure que la leur pouvait l’être, même pour les plus misérables, et dès lors elle ne voyait pas de raisons pour qu’elle ne supportât pas ce qu’elles supportaient.

Il n’y avait donc qu’à ne pas respirer, qu’à ne pas sentir, alors viendrait le sommeil, et elle savait bien que pendant qu’on dort l’odorat ne fonctionne plus.

Malheureusement, on ne respire pas quand on veut, ni comme on veut : elle eut beau fermer la bouche, se serrer le nez, il fallut bientôt ouvrir les lèvres, les narines et faire une aspiration d’autant plus profonde qu’elle n’avait plus d’air dans les poumons ; et le terrible fut que, malgré tout, elle dut répéter plusieurs fois cette aspiration.

Alors quoi ? Qu’allait-il se produire ? Si elle ne respirait pas, elle étouffait ; si elle respirait, elle était malade.

Comme elle se débattait, sa main frôla le papier qui remplaçait une des vitres de la fenêtre, contre laquelle sa couchette était posée.