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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/198

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EN FAMILLE.

Alors, craignant d’être en retard, elle hâta le pas, et en entrant dans le village elle trouva toutes les maisons ouvertes ; sur les seuils, des ouvriers mangeaient leur soupe, debout, accotés au chambranle de la porte ; dans les cabarets d’autres buvaient, dans les cours, d’autres se débarbouillaient à la pompe ; mais personne ne se dirigeait vers l’usine, ce qui signifiait assurément qu’il n’était pas encore l’heure d’entrer aux ateliers, et que, par conséquent, elle n’avait pas à se presser.

Mais trois petits coups qui sonnèrent à l’horloge, et qui furent aussitôt suivis d’un sifflement plus fort, plus bruyant que les précédents firent instantanément succéder le mouvement à cette tranquillité : des maisons, des cours, des cabarets, de partout sortit une foule compacte qui emplit la rue comme l’eût fait une fourmilière, et cette troupe d’hommes, de femmes, d’enfants se dirigea vers l’usine ; les uns fumant leur pipe à toute vapeur ; les autres mâchant une croûte hâtivement en s’étouffant ; le plus grand nombre bavardant bruyamment : à chaque instant des groupes débouchaient des ruelles latérales et se mêlaient à ce flot noir qu’ils grossissaient sans le ralentir.

Dans une poussée de nouveaux arrivants Perrine aperçut Rosalie en compagnie de la Noyelle, et en se faufilant elle les rejoignit :

« Où donc que vous étiez ? demanda Rosalie surprise.

— Je me suis levée de bonne heure, pour me promener un peu.

— Ah ! bon. Je vous ai cherchée.

— Je vous remercie bien ; mais il ne faut jamais me chercher, je suis matineuse. »