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EN FAMILLE.

— Ce que j’en dis, c’est pour vous.

— Je vous remercie. »

Cependant, malgré la fermeté de sa réponse elle n’était pas sans éprouver une angoisse qui lui étreignait le cœur, car si elle était sûre de son anglais, elle ignorait quel était celui de ces mécaniciens, qui n’était pas celui de M. Mombleux, comme disait Guillaume en se moquant ; puis elle savait que chaque métier a sa langue ou tout au moins ses mots techniques, et elle n’avait jamais parlé la langue de la mécanique. Qu’elle ne comprit pas, qu’elle hésitât et M. Vulfran n’allait-il pas être furieux contre elle, comme il l’avait été contre Mombleux ?

Déjà ils approchaient des usines de Saint-Pipoy, dont on apercevait les hautes cheminées fumantes, au-dessus des cimes des peupliers ; elle savait qu’à Saint-Pipoy on faisait la filature et le tissage comme à Maraucourt, et que, de plus, on y fabriquait des cordages et des ficelles ; seulement, qu’elle sût cela ou l’ignorât, ce qu’elle allait avoir à entendre et à dire ne s’en trouvait pas éclairci.

Quand elle put, au tournant du chemin, embrasser d’un coup d’œil l’ensemble des bâtiments épars dans la prairie, il lui sembla que pour être moins importants que ceux de Maraucourt, ils étaient considérables cependant ; mais déjà la voiture franchissait la grille d’entrée, presque aussitôt elle s’arrêta devant les bureaux.

« Venez avec moi », dit Guillaume.

Et il la conduisit dans une pièce où se trouvait M. Vulfran, ayant près de lui le directeur de Saint-Pipoy avec qui il s’entretenait.

« Voilà la fille, dit Guillaume son chapeau à la main.