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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/356

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EN FAMILLE.

se rendre compte de sa situation, et de la conduite qu’elle allait avoir à tenir.

Déjà pendant la soirée où elle avait entendu ses camarades de chambrée parler de Talouel, elle avait pu se le représenter comme un homme redoutable ; depuis, quand il s’était adressé à elle pour qu’elle lui dît « toute la vérité sur les bêtises de Fabry », en ajoutant qu’il était le maître et qu’en cette qualité il devait tout savoir, elle avait vu comment cet homme redoutable établissait sa puissance, et quels moyens il employait ; cependant tout cela n’était rien à côté de ce que révélait l’entretien qu’elle venait d’entendre.

Qu’il voulût avoir l’autorité d’un tyran à côté, au-dessus même de M. Vulfran, cela elle le savait ; mais qu’il espérât remplacer un jour le tout-puissant maître des usines de Maraucourt, et que depuis longtemps il travaillât dans ce but, cela elle ne l’avait pas imaginé.

Et pourtant c’était ce qui résultait de la conversation de l’ingénieur et de Mombleux, en situation de savoir mieux que personne ce qui se passait, de juger les choses et les hommes et d’en parler.

Ainsi le on qu’ils n’avaient pas autrement désigné, devait s’arranger pour remplacer par un autre l’espion qu’il venait de perdre ; mais cet autre c’était elle-même qui prenait la place de Guillaume.

Comment allait-elle se défendre ?

Sa situation n’était-elle pas effrayante ? Et elle n’était qu’une enfant, sans expérience, comme sans appui.

Cette question elle se l’était déjà posée, mais non dans les mêmes conditions que maintenant.