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EN FAMILLE.

— Et Talouel ? »

Elle recommença pour le directeur ce qu’elle avait fait pour le neveu, aussi fidèlement, en arrangeant seulement un peu ce qui avait rapport à la maladie de M. Vulfran, de façon à ne pas répéter « qu’une mauvaise nouvelle trop brusquement annoncée, sans préparation, pouvait le tuer ». Puis après la première tentative de Talouel, elle dit ce qui s’était passé pour la dépêche, sans cacher le rendez-vous qui lui était assigné à la fin de la journée.

Tout à son récit, elle avait laissé Coco prendre le pas, et le vieux cheval abusant de cette liberté se dandinait tranquillement, humant la bonne odeur du foin séché que la brise tiède lui soufflait aux naseaux, en même temps qu’elle apportait les coups de marteau du battement des faux qui lui rappelaient les premières années de sa vie, quand, n’ayant pas encore travaillé, il galopait à travers les prairies avec les juments et ses camarades les poulains, sans se douter alors qu’ils auraient à traîner un jour des voitures sur les routes poussiéreuses, à peiner, à souffrir les coups de fouet et les brutalités.

Quand elle se tut, M. Vulfran resta assez longtemps silencieux, et comme elle pouvait l’examiner sans qu’il sût qu’elle tenait les yeux attachés sur lui, elle vit que son visage trahissait une préoccupation douloureuse faite, semblait-il, d’autant de mécontentement que de tristesse ; enfin, il dit :

« Avant tout, je dois te rassurer ; sois certaine qu’il ne t’arrivera rien de mal pour tes paroles qui ne seront pas répétées, et que si jamais quelqu’un voulait se venger de la résistance que tu as honnêtement opposée à ces tentatives, je