Page:Malot - En famille, 1893.djvu/442

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
436
EN FAMILLE.

je suis malade, je suis aveugle, et je ne peux recouvrer la vue que par une opération qu’on ne risquera que si je suis dans un état de calme lui assurant des chances sérieuses de réussite. Quand mon fils saura cela, crois-tu qu’il hésitera à quitter cette femme, à laquelle d’ailleurs j’assurerai la vie la plus large ainsi qu’à sa fille ? Si je l’aime, il m’aime aussi ; que de fois a-t-il tourné ses regards vers Maraucourt, que de regrets n’a-t-il pas éprouvés ; qu’il apprenne la vérité, tu le verras accourir.

— Il devrait donc quitter sa femme et sa fille ?

— Il n’a pas de femme, il n’a pas de fille.

— Le père Fildes dit qu’il a été marié dans la chapelle de la mission par le père Leclerc.

— Ce mariage est nul en France pour avoir été contracté contrairement à la loi.

— Mais aux Indes, est-il nul aussi ?

— Je le ferai casser à Rome.

— Mais sa fille ?

— La loi ne reconnaît pas cette fille.

— La loi est-elle tout ?

— Que veux-tu dire ?

— Que ce n’est pas la loi qui fait qu’on aime ou qu’on n’aime pas ses enfants, ses parents. Ce n’était pas en vertu de la loi que j’aimais mon pauvre papa, mais parce qu’il était bon, tendre, affectueux, attentif pour moi, parce que j’étais heureuse quand il m’embrassait, joyeuse quand il me disait de douces paroles ou qu’il me regardait avec un sourire ; et parce que je n’imaginais pas qu’il y eût rien de meilleur que d’être avec lui-même, quand il ne me parlait point et s’occupait de ses affaires. Et lui, il m’aimait parce qu’il m’avait élevée,