— Cela vaudrait mieux si demain existait maintenant pour moi ; mais à quel avenir veux-tu que je rêve ? il est plus triste encore que le passé, puisqu’il est vide.
— Mais non, monsieur, il n’est pas vide, si vous songez à celui des autres. Quand on est enfant… et pas heureux, on pense souvent, n’est-ce pas, à tout ce qu’on demanderait à un magicien tout-puissant, à un enchanteur si on le rencontrait et qui n’a qu’à vouloir pour réaliser tous les souhaits ; mais quand on est soi-même cet enchanteur, est-ce qu’on ne pense pas quelquefois à ce qu’on peut faire pour rendre heureux ceux qui ne le sont pas, qu’ils soient enfants ou non ; puisqu’on a aux mains le pouvoir, n’est-ce pas amusant de s’en servir ? Je dis amusant parce que nous sommes dans une féerie, mais dans la réalité il y a un autre mot que celui-là. »
La soirée s’écoula dans ces propos ; plusieurs fois M. Vulfran demanda si le moment n’était pas venu de partir, mais elle le retarda tant qu’elle put.
Enfin elle annonça qu’ils pouvaient se mettre en route : la nuit était chaude comme elle l’avait prévu, sans vent, sans brouillard, mais avec des éclairs de chaleur qui fréquemment embrasaient le ciel noir. Quand ils arrivèrent dans le village ils le trouvèrent endormi, pas une seule lumière ne brillait aux fenêtres closes, pas de bruit d’aucune sorte, excepté celui de l’eau qui tombait des barrages de la rivière.
Comme tous les aveugles, M. Vulfran savait se reconnaître la nuit, et depuis leur sortie du château, il avait suivi son chemin comme avec ses yeux.
« Nous voilà devant Françoise, dit-il, à un certain moment.
— C’est justement chez elle que nous allons. Maintenant si