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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/507

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EN FAMILLE.

chasses aux plantes, nos chasses aux bêtes, tu verras ce qu’était le courage de papa, la vaillance de maman, car je ne peux pas te parler de lui sans te parler d’elle…

— Ne crois pas que ce que Fabry vient de m’apprendre d’elle, en me disant son refus d’entrer à l’hôpital où elle aurait peut-être été sauvée, et cela pour ne pas t’abandonner, ne m’a pas ému.

— Tu l’aimeras, tu l’aimeras.

— Tu me parleras d’elle.

— … Je te la ferai connaître, je te la ferai aimer. Je passe donc là-dessus. Nous avions quitté l’Inde pour revenir en France, quand, arrivé à Suez, papa perdit l’argent qu’il avait emporté. Il lui fut volé par des gens d’affaires. Je ne sais comment. »

M. Vulfran eut un geste qui semblait dire que lui savait ce comment.

« N’ayant plus d’argent, au lieu de venir en France, nous partîmes pour la Grèce, ce qui coûtait moins cher de voyage. À Athènes, papa, qui avait des instruments pour la photographie, fit des portraits dont nous vécûmes. Puis il acheta une roulotte, un âne, Palikare qui m’a sauvé la vie, et il voulut revenir en France par terre, en faisant des portraits le long de la route. Mais qu’on en faisait peu hélas ! et que la route était dure dans les montagnes, où le plus souvent il n’y avait que de mauvais sentiers dans lesquels Palikare aurait dû se tuer vingt fois par jour. Je t’ai dit comment papa était tombé malade à Bousovatcha. Je te demande à ne pas te raconter sa mort aujourd’hui, je ne pourrais pas. Quand il ne fut plus avec nous, il fallut continuer notre route. Si