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EN FAMILLE.

— Es-tu assez bien ?

— Il faut que je le sois. Nous n’avons que trop attendu, en espérant un rétablissement qui ne viendra pas… ici. Et en attendant nos ressources se sont épuisées, comme s’épuiseraient celles que la vente de notre pauvre Palikare nous procure. J’aurais voulu aussi ne pas nous présenter dans cet état de misère ; mais peut-être que plus cette misère sera lamentable plus elle fera pitié. Il faut, il faut partir.

— Aujourd’hui ?

— Aujourd’hui il est trop tard, nous arriverions en pleine nuit sans savoir où aller, mais demain matin. Ce soir tâche d’apprendre les heures du train et le prix des places : le chemin de fer est celui du Nord ; la gare d’arrivée, Picquigny. »

Perrine, embarrassée, consulta Grain de Sel qui lui dit, qu’en cherchant dans les tas de papiers, elle trouverait certainement un indicateur des chemins de fer, ce qui serait plus commode, et moins fatigant que d’aller à la gare du Nord, qui est bien loin de Charonne. Cet indicateur lui apprit qu’il y avait deux trains le matin : l’un à six heures, l’autre à dix heures, et que la place pour Picquigny en troisièmes classes coûtait neuf francs vingt-cinq.

« Nous partirons à dix heures, dit la mère, et nous prendrons une voiture, car je ne pourrais certainement pas aller à pied à la gare puisqu’elle est éloignée. J’aurai bien des forces jusqu’au fiacre. »

Cependant elle n’en eut pas jusque-là, et quand, à neuf heures, elle voulut, en s’appuyant sur l’épaule de sa fille,