Page:Malot - En famille, 1893.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
EN FAMILLE.

Il fallait donc qu’elle fît durer cet argent autant que son voyage, et même plus longtemps, de façon à pouvoir vivre quelques jours à Maraucourt.

Cela lui serait-il possible ?

Elle n’avait pas résolu cette question et toutes celles qui s’y rattachaient, quand elle entendit appeler la station de La Chapelle, alors elle descendit, et tout de suite prit la route de Saint-Denis.

Maintenant il n’y avait qu’à aller droit devant soi et comme le soleil resterait encore au ciel deux ou trois heures, elle espérait se trouver, quand il disparaîtrait, assez loin de Paris pour pouvoir coucher en pleine campagne, ce qui était le mieux pour elle.

Cependant, contre son attente, les maisons succédaient aux maisons, les usines aux usines sans interruption, et aussi loin que ses yeux pouvaient aller, elle ne voyait dans cette plaine plate que des toits et des hautes cheminées qui jetaient des tourbillons de fumée noire ; de ces usines, des hangars, des chantiers sortaient des bruits formidables, des mugissements, des ronflements de machines, des sifflements aigus ou rauques, des échappements de vapeur, tandis que sur la route même dans un épais nuage de poussière rousse, voitures, charrettes, tramways se suivaient, ou se croisaient en files serrées ; et sur celles de ces charrettes qui avaient des bâches ou des prélarts l’inscription qui l’avait déjà frappée à la barrière de Bercy se répétait : « usines de Maraucourt, Vulfran Paindavoine ».

Paris ne finirait donc jamais ! Elle n’en sortirait donc pas ! Et ce n’était pas de la solitude des champs qu’elle avait peur,