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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/122

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SANS FAMILLE

Vitalis encouragé par ces applaudissements, continua :

— Et comment la charmante Dolce, notre garde-malade, pourra-t-elle user de son éloquence et de ses charmes pour décider notre malade à se laisser balayer et nettoyer les entrailles, si, au bout de son nez elle porte l’instrument que l’illustre représentant de l’autorité veut lui imposer ? Je le demande à l’honorable société et la prie respectueusement de prononcer entre nous.

L’honorable société appelée ainsi à se prononcer, ne répondit pas directement, mais ses rires parlaient pour elle : on approuvait Vitalis, on se moquait de l’agent, et surtout on s’amusait des grimaces de Joli-Cœur, qui, s’étant placé derrière « l’illustrissime représentant de l’autorité, » faisait des grimaces dans le dos de celui-ci, croisant ses bras comme lui, se campant le poing sur la hanche et rejetant sa tête en arrière avec des mines et des contorsions tout à fait réjouissantes.

Agacé par le discours de Vitalis, exaspéré par les rires du public, l’agent de police, qui n’avait pas l’air d’un homme patient, tourna brusquement sur ses talons.

Mais alors il aperçut le singe qui se tenait le poing sur la hanche dans l’attitude d’un matamore ; durant quelques secondes l’homme et la bête restèrent en face l’un de l’autre, se regardant comme s’il s’agissait de savoir lequel des deux baisserait les yeux le premier.

Les rires qui éclatèrent, irrésistibles et bruyants, mirent fin à cette scène.