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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/149

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SANS FAMILLE

Il n’y avait donc qu’à marcher droit devant soi sur la route blanche jusqu’à la rencontre d’un gîte.

Ce que nous fîmes.

La route s’allongea, les kilomètres succédèrent aux kilomètres, et les dernières lueurs roses du soleil couchant avaient disparu du ciel que nous n’avions pas encore trouvé ce gîte.

Il fallait, tant bien que mal, se décider.

Quand je me décidai à nous arrêter pour passer la nuit, nous étions dans un bois que coupaient çà et là des espaces dénudés au milieu desquels se dressaient des blocs de granit. L’endroit était bien triste, bien désert, mais nous n’avions pas mieux à choisir, et je pensai qu’au milieu de ces blocs de granit nous pourrions trouver un abri contre la fraîcheur de la nuit. Je dis nous, en parlant de Joli-Cœur et de moi, car, pour les chiens, je n’étais pas en peine d’eux ; il n’y avait pas à craindre qu’ils gagnassent la fièvre à coucher dehors. Mais, pour moi, je devais être soigneux, car j’avais conscience de ma responsabilité. Que deviendrait ma troupe si je tombais malade ? que deviendrais-je moi-même, si j’avais Joli-Cœur à soigner ?

Quittant la route, nous nous engageâmes au milieu des pierres, et bientôt j’aperçus un énorme bloc de granit planté de travers de manière à former une sorte de cavité à sa base et un toit à son sommet. Dans cette cavité les vents avaient amoncelé un lit épais d’aiguilles de pin desséchées. Nous ne pouvions mieux trouver : un matelas pour nous étendre, une toiture pour nous abriter ; il ne nous manquait qu’un