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SANS FAMILLE

Comment madame Milligan pouvait-elle être sévère avec ce pauvre petit, qu’elle paraissait aimer si tendrement ? s’il ne pouvait pas apprendre sa leçon, ce n’était pas sa faute, c’était celle de la maladie sans doute.

Elle allait donc disparaître sans lui dire une bonne parole.

Mais elle ne disparut pas ; au lieu d’entrer dans le bateau, elle revint vers son fils.

— Voulez-vous que nous essayions de l’apprendre ensemble ? dit-elle.

— Oh ! oui, maman, ensemble.

Alors elle s’assit près de lui, et reprenant le livre, elle commença à lire doucement la fable, qui s’appelait : Le Loup et le jeune Mouton ; après elle, Arthur répétait les mots et les phrases.

Lorsqu’elle eut lu cette fable trois fois, elle donna le livre à Arthur, en lui disant d’apprendre maintenant tout seul, et elle rentra dans le bateau.

Aussitôt Arthur se mit à lire sa fable, et de ma place où j’étais resté, je le vis remuer les lèvres.

Il était évident qu’il travaillait et qu’il s’appliquait.

Mais cette application ne dura pas longtemps ; bientôt il leva les yeux de dessus son livre, et ses lèvres remuèrent moins vite, puis tout à coup elles s’arrêtèrent complètement.

Il ne lisait plus, et ne répétait plus.

Ses yeux, qui erraient çà et là, rencontrèrent les miens.

De la main je lui fis un signe pour l’engager à revenir à sa leçon.