Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
SANS FAMILLE

de l’humidité ; mais après avoir quitté cette ville, la pluie cessa et le vent tourna au nord.

Tout d’abord nous ne nous en plaignîmes pas, bien qu’il soit peu agréable d’avoir le vent du nord en pleine figure ; à tout prendre, mieux valait encore cette bise, si âpre qu’elle fût, que l’humidité dans laquelle nous pourrissions depuis plusieurs semaines.

Par malheur, le vent ne resta pas au sec ; le ciel s’emplit de gros nuages noirs, le soleil disparut entièrement, et tout annonça que nous aurions bientôt de la neige.

Nous pûmes cependant arriver à un gros village sans être pris par la neige, mais l’intention de mon maître était de gagner Troyes au plus vite, parce que Troyes est une grande ville dans laquelle nous pourrions donner plusieurs représentations, si le mauvais temps nous obligeait à y séjourner.

— Couche-toi vite, me dit-il, quand nous fûmes installés dans notre auberge ; nous partirons demain matin de bonne heure ; je crains d’être surpris par la neige.

Pour lui, il ne se coucha pas aussi tôt, mais il resta au coin de l’âtre de la cheminée de la cuisine pour réchauffer Joli-Cœur qui avait beaucoup souffert du froid de la journée et qui n’avait cessé de gémir, malgré que nous eussions pris soin de l’envelopper dans des couvertures.

Le lendemain matin je me levai de bonne heure comme il m’avait été commandé ; il ne faisait pas encore jour, le ciel était noir et bas, sans une étoile ; il semblait qu’un grand couvercle sombre s’était abaissé