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SANS FAMILLE

se confondaient dans l’infini, devant nous, aussi bien que de chaque côté sur les collines qui nous entouraient.

Il ne fallait donc pas trop compter sur cette maison promise ; mais après tout la neige ne continuerait peut-être pas.

Elle continua, et elle augmenta.

En peu d’instants elle avait couvert la route ou plus justement tout ce qui l’arrêtait sur la route : tas de pierres, herbes des bas côtés, broussailles et buissons des fossés, car poussée par le vent qui n’avait pas faibli, elle courait ras de terre pour s’entasser contre tout ce qui lui faisait obstacle.

L’ennui pour nous était d’être au nombre de ces obstacles ; lorsqu’elle nous frappait elle glissait sur les surfaces rondes, mais partout où se trouvait une fente elle entrait comme une poussière et ne tardait pas à fondre.

Pour moi, je la sentais me descendre en eau froide dans le cou, et mon maître, dont la peau de mouton était soulevée pour laisser respirer Joli-Cœur, ne devait pas être mieux protégé.

Cependant nous continuions de marcher contre le vent et contre la neige sans parler ; de temps en temps nous retournions à demi la tête pour respirer.

Les chiens n’allaient plus en avant, ils marchaient sur nos talons, nous demandant un abri que nous ne pouvions leur donner.

Nous avancions lentement, avec peine, aveuglés, mouillés, glacés, et bien que nous fussions depuis assez longtemps déjà en pleine forêt, nous ne nous trou-