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SANS FAMILLE

Cela fut vite fait, et une flamme claire ne tarda pas à briller en pétillant joyeusement au-dessus de notre âtre.

Ah ! le beau feu ! le bon feu !

Il est vrai qu’il ne brûlait pas sans fumée, et que celle-ci, ne montant pas dans une cheminée, se répandait dans la hutte ; mais que nous importait ; c’était de la flamme, c’était de la chaleur que nous voulions.

Pendant que, couché sur les deux mains, je soufflais le feu, les chiens s’étaient assis autour du foyer, et gravement sur leur derrière, le cou tendu, ils présentaient leur ventre mouillé et glacé au rayonnement de la flamme.

Bientôt Joli-Cœur écarta la veste de son maître, et, mettant prudemment le bout du nez dehors, il regarda où il se trouvait ; rassuré par son examen, il sauta vivement à terre, et, prenant la meilleure place devant le feu, il présenta à la flamme ses deux petites mains tremblotantes.

Nous étions assurés maintenant de ne pas mourir de froid, mais la question de la faim n’était pas résolue.

Il n’y avait dans cette cabane hospitalière ni huche à pain ni fourneau avec des casseroles chantantes.

Heureusement, notre maître était homme de précaution et d’expérience : le matin, avant que je fusse levé, il avait fait ses provisions de route : une miche de pain et un petit morceau de fromage ; mais ce n’était pas le moment de se montrer exigeant ou difficile ; aussi, quand nous vîmes apparaître la miche, y eut-il chez nous tous un vif mouvement de satisfaction.