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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/227

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SANS FAMILLE

— Dans deux ou trois heures, je pense.

Et il s’assit devant le feu, la tête entre ses deux mains.

Je n’osai pas le troubler. Je restai immobile près de lui, ne faisant un mouvement que pour mettre des branches sur le feu ; de temps en temps il se levait pour aller jusqu’à la porte, alors il regardait le ciel et il se penchait pour écouter ; puis il revenait prendre sa place.

Il me semblait que j’aurais mieux aimé qu’il me grondât, plutôt que de le voir ainsi morne et accablé.

Les trois heures dont il avait parlé s’écoulèrent avec une lenteur exaspérante ; c’était à croire que cette nuit ne finirait jamais.

Cependant les étoiles pâlirent et le ciel blanchit, c’était le matin, bientôt il ferait jour.

Mais avec le jour naissant le froid augmenta, l’air qui entrait par la porte était glacé.

Si nous retrouvions Joli-Cœur, serait-il encore vivant ?

Mais quelle espérance raisonnable de le retrouver pouvions-nous avoir ?

Qui pouvait savoir si le jour n’allait pas nous ramener la neige ?

Alors comment le chercher ?

Heureusement il ne la ramena pas ; le ciel au lieu de se couvrir comme la veille s’emplit d’une lueur rosée qui présageait le beau temps.

Aussitôt que la clarté froide du matin eut donné aux buissons et aux arbres leurs formes réelles, nous sortîmes. Vitalis s’était armé d’un fort bâton et j’en avais pris un pareillement.