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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/264

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SANS FAMILLE

il en montant l’escalier dont les marches couvertes d’une croûte de terre étaient glissantes comme si elles eussent été creusées dans une glaise humide : c’est ici qu’il demeure.

La rue, la maison, l’escalier, n’étaient pas de nature à me remonter le cœur. Que serait le maître ?

L’escalier avait quatre étages ; Vitalis, sans frapper, poussa la porte qui faisait face au palier, et nous nous trouvâmes dans une large pièce, une sorte de vaste grenier. Au milieu un grand espace vide, et tout autour une douzaine de lits. Les murs et le plafond étaient d’une couleur indéfinissable ; autrefois ils avaient été blancs, mais la fumée, la poussière, les saletés de toute sorte avaient noirci le plâtre qui, par places, était creusé ou troué ; à côté d’une tête dessinée au charbon, on avait sculpté des fleurs et des oiseaux.

— Garofoli, dit Vitalis en entrant, êtes-vous dans quelque coin ? je ne vois personne ; répondez-moi, je vous prie ; c’est Vitalis qui vous parle.

En effet, la chambre paraissait déserte autant qu’on en pouvait juger par la clarté d’un quinquet accroché à la muraille, mais à la voix de mon maître une voix faible et dolente, une voix d’enfant répondit :

— Le signor Garofoli est sorti ; il ne rentrera que dans deux heures.

En même temps celui qui nous avait répondu se montra : c’était un enfant d’une dizaine d’années ; il s’avança vers nous en se traînant, et je fus si vivement frappé de son aspect étrange que je le vois encore devant moi ; il n’avait pour ainsi dire pas de corps et sa