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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/281

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SANS FAMILLE

vous ; croyez-vous donc qu’il ne vaut pas mieux faire semblant de pleurer en tendant la main, que de pleurer pour de bon en tendant le dos. Allons, à bas les vestes !

Riccardo se tenait le fouet à la main et les cinq patients étaient rangés à côté de lui.

— Tu sais, Riccardo, dit Garofoli, que je ne te regarde pas parce que ces corrections me font mal, mais je t’entends, et au bruit je jugerai bien la force des coups : vas-y de tout cœur, mon mignon, c’est pour ton pain que tu travailles.

Et il se tourna le nez vers le feu, comme s’il lui était impossible de voir cette exécution. Pour moi, oublié dans un coin, je frémissais d’indignation et aussi de peur. C’était l’homme qui allait devenir mon maître ; si je ne rapportais pas les trente ou les quarante sous qu’il lui plairait d’exiger de moi, il me faudrait tendre le dos à Riccardo. Ah ! je comprenais maintenant comment Mattia pouvait parler de la mort si tranquillement et avec un sentiment d’espérance.

Le premier claquement du fouet frappant sur la peau me fit jaillir les larmes des yeux. Comme je me croyais oublié, je ne me contraignis point, mais, je me trompais. Garofoli m’observait à la dérobée ; j’en eus bientôt la preuve.

— Voilà un enfant qui a bon cœur, dit-il en me désignant du doigt ; il n’est pas comme vous, brigands, qui riez du malheur de vos camarades et de mon chagrin ; que n’est-il de vos camarades ; il vous servirait d’exemple !