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SANS FAMILLE

— C’est une honte ! s’écria Vitalis.

— Voilà justement ce que je dis, interrompit Garofoli.

— Pas de grimaces, continua mon maître avec force, vous savez bien que ce n’est pas à cet enfant que je parle, mais à vous ; oui, c’est une honte, une lâcheté de martyriser ainsi des enfants qui ne peuvent pas se défendre.

— De quoi vous mêlez-vous, vieux fou ? dit Garofoli changeant de ton.

— De ce qui regarde la police.

— La police, s’écria Garofoli en se levant, vous me menacez de la police, vous ?

— Oui, moi, répondit mon maître sans se laisser intimider par la fureur du padrone.

— Écoutez, Vitalis, dit celui-ci en se calmant et en prenant un ton moqueur, il ne faut pas faire le méchant, et me menacer de causer, parce que, de mon côté, je pourrais bien causer aussi. Et alors qui est-ce qui ne serait pas content ? Bien sûr je n’irai rien dire à la police, vos affaires ne la regardent pas. Mais il y en a d’autres qu’elles intéressent, et si j’allais répéter à ceux-là ce que je sais, si je disais seulement un nom, un seul nom, qui est-ce qui serait obligé d’aller cacher sa honte ?

Mon maître resta un moment sans répondre. Sa honte ? J’étais stupéfait. Avant que je fusse revenu de la surprise dans laquelle m’avaient jeté ces étranges paroles, il m’avait pris par la main.

— Suis-moi.

Et il m’entraîna vers la porte.